Migrer vers de plus verts pâturages
L’éleveur de chevaux du Carrousel de la GRC part à la retraite après 40 ans.
Par Tanya Baglole
Le claquement des sabots des chevaux résonne sur le sol de béton de l’étable. À l’extérieur, les poulains broutent paisiblement dans le pré de la ferme de 366 acres à Pakenham où sont élevés les chevaux destinés au Carrousel de la GRC. Après 40 ans, John Phillips, l’homme qui est responsable d’élever ces chevaux et de gérer la ferme, prendra sa retraite au lendemain des célébrations du 1er juillet pour le 150e anniversaire du Canada.
Phillips est aujourd’hui âgé de 65 ans. Il fut embauché par la GRC en 1976 comme garçon d’écurie pour nettoyer les stalles, nourrir les chevaux et les amener à Ottawa lorsqu’ils étaient prêts pour le Carrousel. En 2001, il devient gérant de la ferme et s’occupe de gérer la culture des champs du domaine de Pakenham qui produisent l’herbe servant à nourrir les 85 chevaux, voit à l’achat et à l’entretien des équipements et du matériel nécessaire à l’exploitation de la ferme en plus de gérer six employés et cinq travailleurs contractuels.
En 1995, la GRC inscrit Phillips au programme équestre de l’Université du Colorado où on lui enseigne la génétique, la reproduction et l’insémination artificielle. Il suit également des cours en Alberta et au Texas pour se perfectionner et demeurer au fait des plus récentes techniques d’élevage. Après s’être appuyé largement sur l’expertise des vétérinaires au cours de ses deux premières années comme gérant de la ferme, il finit par assumer lui-même la responsabilité du programme de reproduction des chevaux de la GRC. Il a réussi à accroître le taux de succès du programme d’insémination de 50 % à 90 %.
Phillips maîtrise parfaitement les divers aspects de la reproduction des chevaux et notamment les caractéristiques des lignées européennes (Hanovriens) d’où sont issus les chevaux du Carrousel. Les chevaux de trait et les chevaux d’attelage proviennent de lignées d’étalons de pur sang et produisent des chevaux à sang chaud généralement utilisés pour la course et dont les poulains sont de taille moyenne, de bon tempérament et de bon caractère. Les chevaux hanovriens sont la plus importante lignée des chevaux à sang chaud au monde et l’Allemagne produit annuellement 6 000 poulains. Phillips se rend régulièrement en Europe pour trouver les meilleurs chevaux pour assurer la pérennité du programme d’élevage de chevaux de la GRC.
Toutes les juments de la ferme de Pakenham sont inséminées artificiellement. Phillips effectue annuellement environ 300 examens par ultrasons à partir de la 10e journée de gestation pour suivre l’évolution des embryons. Un étalon du nom de Dubai a produit 95 chevaux.
Le m.c. John Phillips avec le poulain Edward lors de la visite des étables du Carrousel de la GRC à Ottawa. Le poulain de quatre mois fut nommé en l’honneur du prince Edward en visite royale dans la capitale nationale.
À la ferme de Pakenham, le murmure du ruisseau Waba se fait entendre à proximité des étables d’une remarquable propreté. Vingt juments y logent. Elles sont inséminées chaque année. Le but est de produire une vingtaine de poulains annuellement en espérant en envoyer dix âgés de trois ans à Ottawa pour l’entraînement. Des dix, six en moyenne se joindront au Carrousel. Les autres chevaux sont mis en vente aux enchères tous les deux ans.
« Trois semaines après la naissance d’un poulain, je peux vous dire si l’animal pourra faire partie du Carrousel. En ouvrant la porte de la stalle, un poulain qui s’approche de moi par curiosité aura le caractère que nous recherchons – fonceur et intéressé », nous précise John Phillips.
« Les poulains plus fougueux conviennent mieux pour la compétition que pour le Carrousel », d’ajouter Phillips. « Les chevaux plus sages peuvent s’adapter aux deux scénarios d’élevage, et s’ils sont bien traités, ils peuvent devenir d’excellents chevaux à monter. »
Les deux tiers des chevaux du Carrousel ont été élevés sous l’oeil averti de John Phillips à la ferme de Pakenham. Ils sont noirs, pèsent environ 1 200 livres, font 16-17 mains de hauteur et commencent à performer avec le Carrousel à l’âge de six ans.
Le personnel balaie les écuries pendant que les chevaux sont dans leurs stalles au détachement de Pakenham Remount. Photos par RCMP-GRC
« À mon époque, les étalons étaient très agressifs et requéraient une main experte pour les maîtriser. Mais les étalons au sang chaud sont de bonne nature et ils déposeront volontiers leur tête sur vos genoux. C’est ce genre d’animal que nous souhaitons avoir pour le Carrousel », expliquait Phillips.
Les chevaux du Carrousel ont un itinéraire bien chargé. Ils voyagent partout au Canada et à l’étranger et doivent rester calmes devant un large public et les caméras. Les gens ignorent généralement que les membres de la GRC ont pour la plupart pratiquement aucune connaissance en matière de chevaux et d’équitation lorsqu’ils s’inscrivent au programme du Carrousel et qu’ils parviennent assez rapidement à maîtriser les routines souvent présentées devant des foules pouvant aller jusqu’à 20 000 personnes.
Je crois que le Carrousel n’impressionne pas seulement les Canadiens. Partout où nous voyageons dans le monde, les gens connaissent le Carrousel.
« C’est assez étonnant. Ce qui démontre bien la bonne volonté d’un cheval et son désir de faire ce qui lui est demandé. Les étalons au sang chaud nous assurent un type de caractère doux, un bon accueil au cavalier et une volonté de travailler », d’ajouter Phillips.
« John Phillips manquera beaucoup aux membres du Carrousel ainsi qu’à tous ceux qui ont eu le plaisir de travailler avec lui. Partout où l’on va, au pays comme à l’étranger, les chevaux que nous produisons sont remarqués et aimés. John a donné tout un héritage au Carrousel, à la GRC et au Canada », de dire l’insp. Patrick Egan, officier responsable du Carrousel de la GRC.
La période la plus intense sur la ferme est d’avril à juillet, lorsque les juments donnent naissance après onze mois de gestation et que redémarre le processus de reproduction. Il faut accepter de devoir travailler parfois jour et nuit. Les mois les plus calmes sont ceux d’hiver. Phillips en profite pour faire de l’équitation sur ses propres chevaux, donner des cours ou quitter son milieu de vie de White Lake en Ontario pour participer à une compétition équestre quelque part en Amérique du Nord.
L’un des moments marquants de la carrière de ce jeune homme qui a grandi sur une ferme laitière près de Carlsbad Springs fut de rencontrer la reine au château de Windsor en 2015. Il lui remit un feuillet décrivant un cheval alezan dont la mère était Golden Jubilee, un cheval offert en cadeau par la reine à la GRC plusieurs années auparavant. Ce cheval est aujourd’hui un champion de la Foire royale d’hiver de l’agriculture à Toronto.
Lorsqu’on lui demande ce qui lui manquera le plus à la retraite, il répond candidement « Certainement pas la paperasse. Mais je serai nostalgique en pensant aux naissances de poulain, à leur progression, aux voyages pour trouver des étalons et acheter des chevaux. Lors des voyages que nous faisons en Europe, nous avons accès à ce qui se fait de mieux. »
L’impact que nous avons eu sur le développement de cette lignée pour en faire une sélection bien adaptée aux besoins et exigences du Carrousel et le succès obtenu sont ma source de joie et de satisfaction de même que ma fierté, car les profits tirés de la vente aux enchères nous procurent l’argent nécessaire pour acheter les chevaux qui perpétuent notre programme d’élevage.
« Les chevaux fascinent les humains, même ceux qui n’ont aucune expérience particulière avec ce type d’animal. Non seulement ils adorent les voir bouger et exécuter les exercices qui leur sont imposés, mais on sent qu’il s’établit une sorte de relation quasi sentimentale avec eux. »
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